Niger : Transparency International s’alarme d’une « mise sous tutelle » de la justice par le pouvoir exécutif
Niamey, 22 Août 2025 – L’Association Nigérienne de Lutte contre la Corruption, chapitre national de Transparency International (TI-Niger), a tiré la sonnette d’alarme ce vendredi dans un communiqué vigoureux. L’organisation dénonce avec la plus grande fermeté l’Ordonnance n° 2025-27 du 14 août 2025, qu’elle présente comme une attaque frontale contre l’indépendance du pouvoir judiciaire et un grave recul pour l’État de droit au Niger.
Une ordonnance aux pouvoirs étendus et discrétionnaires
Publiée au Journal Officiel, cette ordonnance, dite « relative à la discipline des magistrats pendant la période de la Refondation », confère au Président de la République le pouvoir discrétionnaire de prendre « toutes mesures qu’il juge opportunes » à l’encontre des magistrats. Ces mesures peuvent être engagées en cas de « faute grave ou flagrante » ou de tout comportement « de nature à jeter le discrédit sur les institutions de l’État », et ce, en suspendant délibérément les garanties procédurales prévues par le statut de la magistrature.
Dans son analyse, TI-Niger relève quatre violations majeures :
- Atteinte à l’indépendance de la justice : L’organisation estime que le texte « anéantit » le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs en plaçant la discipline des juges sous l’autorité exclusive de l’exécutif, réduisant ainsi les magistrats à l’état de « fonctionnaires soumis à l’arbitraire politique ».
- Instrumentalisation de la justice : Les notions de « faute grave » et de « discrédit sur les institutions » sont dénoncées comme étant volontairement vagues et extensibles. TI-Niger y voit un « instrument de pression et de rétorsion » contre tout magistrat qui oserait rendre une décision indépendante, ouvrant la voie à des « poursuites arbitraires et à l’épuration de la magistrature ».
- Violation du principe de non-rétroactivité : L’article premier prévoit une application rétroactive de la mesure, une disposition qualifiée d’« extrêmement rare et dangereuse ». Selon l’ONG, cette rétroactivité semble conçue pour permettre de « sanctionner a posteriori des juges (…) dans un pur but d’intimidation et de règlement de comptes ».
- Absence de garanties procédurales : L’ordonnance remplacerait les procédures disciplinaires existantes par une procédure extra-judiciaire où l’exécutif est à la fois juge et partie. Fait particulièrement inquiétant, TI-Niger révèle que la radiation du Secrétaire Général du Syndicat Autonome des Magistrats du Niger et de son Adjoint a été fondée sur ce texte avant même sa publication officielle.
Un appel à la mobilisation nationale et internationale
Face à cette situation, Transparency International Niger exhorte les autorités de la transition à :
· Abroger immédiatement l’Ordonnance n° 2025-27.
· Respecter et garantir l’indépendance de la justice.
· S’engager à faire respecter les procédures disciplinaires légales et équitables.
L’association lance également un appel plus large :
· À la société civile, aux syndicats, aux médias et aux citoyens à « rester vigilants face à cette dérive autoritaire ».
· À la communauté internationale, aux partenaires techniques et financiers du Niger et aux organismes de défense des droits de l’homme à « se mobiliser afin d’aider le Niger contre le démantèlement du pouvoir judiciaire et la destruction de l’Etat de droit ».
Pour TI-Niger, cette ordonnance ne vise pas à « discipliner » la magistrature, mais à « la museler et à la caporaliser pour l’asservir ». Dans le contexte actuel de transition, l’organisation souligne qu’il est plus crucial que jamais de préserver une justice indépendante, essentielle pour lutter contre l’impunité, la corruption et protéger les droits fondamentaux des citoyens.















