Déclaration du CEN/ANLC/TI-Niger

Déclaration du CEN/ANLC/TI-Niger

Le Conseil Exécutif National de l’Association Nigérienne de Lutte contre la Corruption, section de Transparency International (CEN/ANLC-TI-Niger), s’est réuni le vendredi 8 décembre 2023 à l’effet d’examiner la situation des droits humains au Niger depuis les évènements du 26 juillet 2023. En ce jour du 10 décembre 2023 marquant le 75ième anniversaire de la Déclaration Universelle de Droits de l’Homme, le CEN/ANLC-TI-Niger fait la déclaration suivante sur la situation actuelle du Niger :

  • Considérant la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ;

  • Considérant le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques ;

  • Considérant le Pacte International relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels ;

  • Considérant la Convention contre la Torture et autres Peines ou Traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

  • Considérant la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ;

  • Considérant le Traité de la CEDEAO et ses Protocoles Additionnels

Le CEN/ANLC/TI-Niger rappelle que la déclaration universelle des droits de l’Homme est l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations… Elle alerte à cet effet en son article 1 que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » et l’article 2 de préciser : « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. »

I- Des droits civils et politiques

Depuis le 26 juillet 2023, tout observateur avisé et objectif ne peut manquer de constater la restriction drastique des libertés civiles et politiques qui se traduisent par :

  • Les atteintes aux libertés d’expression et de presse ;

  • Les atteintes à la liberté de réunion et d’association ;

  • Les violations des droits et libertés individuels ;

  • La recrudescence des attaques terroristes et des bandits armés ;

  • Les enlèvements et kidnapping des populations civiles et militaires ;

  • Les interpellations, arrestations et détentions arbitraires de hautes personnalités civiles notamment des universitaires, des militaires, des journalistes et de simples citoyens pour délit de faciès ;

  • La pratique de la torture, des peines, des traitements cruels, inhumains et dégradants ;

  • La détérioration du tissu social et économique enfonçant les citoyens dans la méfiance mutuelle et remettant en cause le vivre ensemble.

Or, à sa prise de pouvoir, le CNSP a justifié son action par entre autres, la situation sécuritaire qui se dégrade de jour en jour et la gouvernance de la part du régime déchu. Le CNSP a dans la même lancée réaffirmé son adhésion à tous les traités et accords auxquels le Niger a librement souscrit. A titre indicatif on peut donc à bon droit s’attendre :

  • Au respect des principes de la Charte des Nations Unies qui « impose aux états l’obligation de promouvoir le respect universel et effectif des droits et des libertés de l’Homme » ;

  • Au respect du Pacte International relatif aux droits Économiques, Sociaux et Culturels ;

  • Au respect du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques auquel le Niger a adhéré le 07 mars 1986 qui dispose : « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs, et conformément à la procédure prévue par la loi. » Art. 9.

« Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine » art. 10.

« Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. » Art. 17, al.1.

« Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. » art. 19.

Pourtant, en dépit de son engagement nous assistons quotidiennement à des violations flagrantes des conventions internationales qui protègent la personne humaine, sa vie, ses droits et ses libertés.

En séquestrant le président élu, Mohamed Bazoum, son épouse et leur enfant à peine sorti de la minorité civile, le CNSP viole les dispositions du pacte susmentionné. Les manifestations en faveur de la démocratie et de l’Etat de droit sont systématiquement interdites. Des enseignants chercheurs, ont été interpellés pour leurs opinons et pour l’expression des droits et libertés. Des journalistes, des hommes politiques, des militaires et de simples citoyens sont interpellés en dehors des procédures légales. Cela nous rappelle la pratique des escadrons de la mort et de la torture d’une autre époque révolue. Dans ce contexte, M. Abdourhamane Hamey, ancien Conseiller Technique de la DGDSE et certains membres de sa famille et proches parents qui ne sont que des élèves et étudiants pour la plupart ont été arrêtés par la Garde Présidentielle, le 19 octobre 2023, et détenus au secret jusqu’à ce jour. Leur crime, c’est leur lien avec le président Bazoum sinon d’appartenir à la même famille. C’est le lieu de rappeler la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants que le Niger a ratifié le 5 octobre 1998 : « Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture. » Art.2, al.2.

Nous rappelons à toute fin utile que la pratique systématique (pour des motifs d’ordre politique, racial, ethnique, culturel et religieux) de la torture, du meurtre, de l’emprisonnement, les disparitions forcées et autres traitements cruels, inhumains et dégradants est considérée comme crime contre l’humanité par l’article 7 du statut de la cour pénale internationale ratifié par le Niger le 11 Avril 2002.

II- Des droits économiques sociaux et culturels.

Aux lendemains des évènements du 26 juillet 2023, précisément le 30 juillet, les réunions des hautes instances de la CEDEAO, de l’UEMOA, de l’UA, de l’Union Européenne et de l’ONU ont à l’unanimité et de manière solidaire condamné le coup d’Etat contre le Président démocratiquement élu Mohamed Bazoum. Ces condamnations seront appuyées par des sanctions économiques, financières et diplomatiques dont les conséquences dramatiques se manifestent par :

  1. La pénurie et la surenchère des produits alimentaires et des médicaments entrainant ainsi la paupérisation des citoyens nigériens et remettant en cause le « droit à un niveau de vie suffisant » ;

  2. Les difficultés pour les banques de permettre aux différents clients (fonctionnaires, opérateurs économiques, entreprises) d’accéder librement à leurs salaires, dépôts et épargnes ;

  3. Les agents publics ou privés sont obligés de passer plusieurs journées devant les guichets des banques pour recevoir leurs salaires décomposés en petites sommes payés très souvent avec des retards considérables ce qui porte atteinte au bon fonctionnement du service public ;

  4. Le dysfonctionnement de tous les services publics comme privés en raison des délestages d’électricité ;

  5. La récession économique croissante due à l’arrêt des projets de développement structurant dont entre autres celui de l’oléoduc Agadem-Sémé (au Bénin), le barrage de Kandadji et la construction de plusieurs classes, les internats pour les jeunes filles et centres de santé dont l’hôpital militaire de référence de Niamey ;

  6. La suspension des aides budgétaires ayant entrainé la réduction de 40% du budget de l’État compromettant plusieurs investissements ;

  7. L’impossibilité pour des centaines d’étudiants nigériens de poursuivre leurs études en France du fait de la dénonciation unilatérale des accords de coopérations avec cet Etat par le CNSP mettant en péril le droit à l’éducation pour ces étudiants.

III- De la question spécifiquement sécuritaire

L’ANLC/TI suit avec attention la situation sécuritaire du Niger bien avant les évènements du 26 juillet et aussi après. Nous constatons une détérioration de la situation sécuritaire beaucoup plus inquiétante qu’avant le coup d’Etat.

En effet, dans toutes les régions du Niger, les attaques terroristes se sont accrues de manière exponentielle avec pour corollaire :

  1. Les déplacements massifs des populations dans les régions de Tillabéri et Tahoua engendrant par conséquent une baisse de la productivité ;

  2. La fermeture de 884 écoles dans la seule région de Tillabéri du fait de l’insécurité portant ainsi atteinte au droit à l’éducation des dizaines de milliers d’enfants ;

  3. Les attaques meurtrières ciblées contre les civils : chefs coutumiers, leaders religieux, enseignants, commerçants et autres citoyens ;

  4. Les attaques au bilan très lourd contre les Forces de Défense et de Sécurité ;

  5. Les prélèvements de la Zakat sur les personnes, le bétail et les récoltes dans toutes les zones d’insécurité avec plus d’acuité dans les régions de Dosso, Tahoua et Tillabéri ;

  6. Les enlèvements contre rançons des citoyens dans les régions de Diffa, de Maradi et de Tahoua ;

  7. Les feux de brousse, les incendies des habitations, des écoles, des cases de santé et des installations des réseaux téléphoniques ;

Au regard de tout ce qui précède, le CEN ANLC/TI-Niger, soucieux de la promotion de la bonne gouvernance et du respect des droits humains, demande au CNSP :

  1. De se conformer aux engagements de l’Etat du Niger en respectant les instruments juridiques internationaux relatifs aux droits humains auxquels le Niger est Partie ;

  2. La restauration immédiate du régime démocratique qui est la seule garantie d’une bonne gouvernance ;

  3. La libération du Président Mohamed Bazoum et de sa famille ;

  4. La libération toutes les personnes arbitrairement détenues ;

  5. La cessation des intimidations, arrestations extra-judiciaires et les harcèlements des voix discordantes ;

  6. De tout mettre en œuvre pour obtenir des Chefs d’Etats et de gouvernements de la CEDEAO et de l’UEMOA la levée de toutes les sanctions économiques contre le Niger. Ces sanctions mettent en péril la vie des citoyens.

Enfin, il faut rappeler que « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et la paix dans le monde ». De même, « la méconnaissance et le mépris des droits de l’Homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’Homme. » préambule de la Déclaration Universelle de Droit de l’Homme.

Fait à Niamey, le 10 décembre 2023

Pour le CEN le Président

MAMAN WADA

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